Alain Tenebaum pour sa création des Lapidiales de Crazannes

Rapport de Bernard Mounier

Venant de Saintes, prendre la route de Taillebourg, longer la chaussée Saint-James, là où saint Louis n’a pas battu les Anglais, et aller à Port-d’Envaux. Traverser le village et prendre à gauche au carrefour où un homme de pierre se dégage du bloc qui l’a vu naître. Il est le gardien d’un univers magique. Inutile de lui en demander la clef, il n’y en a pas. On y entre comme dans un moulin, pour être transporté aussitôt dans les temps des commencements. Des hommes et des femmes, à l’échelle minuscule de grandes falaises blanches, osent la création du monde. Un horizon de sons transforme la carrière en un xylophone géant. Les rythmes se chevauchent, clics aigus des burins, chutes en grave des pierres qui tombent. Un peuple sort de terre, s’extrayant lentement de la gangue originelle. Le visiteur fait silence, écoute la musique des origines. Chaque partition à son nom : « De l’Abîme à l’Azur », « L’Imaginaire du fleuve », « Terre, planète vie », « Dans le ventre du monde ». L’endroit est grandiose, le geste est généreux.

Le deus ex machina du lieu s’appelle Alain Tenenbaum. Comédien, cinéaste, décorateur, sculpteur, il fut atteint d’une maladie rare, coïncidant avec l’arrivée du 3e millénaire : la Lapidiale, autrement dit la volonté fixe de transformer la pierre à son image et à celle des autres : sculpter une humanité de pierres où chaque pierre aimerait sa voisine. Il chercha une carrière, une équipe municipale accueillante lui donna celle des Chabossières. Il fit venir des artistes du Périgord, de Slovénie, du Zimbabwe, d’Amazonie et d’ailleurs. Les Lapidiales sortaient du rêve et prenaient vie. Le mal d’Alain Tenenbaum devint ainsi un bien. L’homme est en passe de transmettre l’amour de la pierre à tous ceux qui l’approchent. L’Académie de Saintonge y a succombé. Ne craignez pas de tenter l’expérience.

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